dimanche 30 août 2009

À propos de la psychiatrisation de la transsexualité II

J’ai déjà donné mon point de vue sur la psychiatrisation de la transsexualité dans mon billet À propos de la « psychiatrisation » de la transsexualité. Mais je me fais accuser par quelqu’un d’anonyme, de ne pas parler correctement de ma condition :


Anonyme a dit…
Je suis très déçue de la description que tu fais sur les causes de la transsexualité dans les médias. Ce n'est absolument pas une maladie mentale qui cause une profonde dépression, causant du coup une dysphorie de genre. Je vais avoir ma réassignation sexuelle en février, et le Dr Brassard m'a confirmé que les causes de la transsexualité sont génétiques, neurobiologiques et neurochimiques, et que ce n'est certainement pas un choix. Tout se passerait durant la grossesse ! Alors pourquoi aller nous faire passer pour des malades mentales ?
Dans ce cas les homos aussi sont aussi des malades mentaux !!!
Sache que la maladie mentale ne fait plus partie des symptômes de la transsexualité en France...

Anne-Marie


Pour répondre à cette critique, tout d’abord il est intéressant de noter le titre de ce blogue :

Chaque transsexuelle a son histoire et vis une expérience différente. Voici la mienne...


Ensuite, il s’agit bien de MON histoire et je ne me cache pas derrière un anonymat sécuritaire. Je suis médiatisée et j’en supporte le poids, positif et négatif. Il est bien facile d’avoir une opinion derrière l’assurance que nos propos ne seront pas scrutés à la loupe et que personne ne pourra nous reprocher quoi que ce soit. Si vous êtes si courageuse de vos opinions, allez les exprimer vous-même dans les médias et faites le chemin de vulgarisation que vous croyez légitime. Pour ce qui est de la psychiatrisation de la transsexualité, je ne suis pas celle qui en a décidé ainsi. Les psychiatres, psychologues, sexologues et les membres scientifiques de la WPATH en ont décidé eux-mêmes. En fait, ce n’est pas la transsexualité qui est classifiée comme une maladie. La transsexualité qui est la période transitoire menant du sexe physiologique d’origine, au sexe de destination, est plutôt le traitement. Ce qui est une maladie est la grave dépression (que l’on nomme dysphorie) qui résulte de la condition de ne pas être en synchronisme au niveau physiologique et au niveau mental. Ce n’est très possiblement pas le cas pour tous, mais ça a été le mien. Aussi, de dire que la dysphorie est une maladie dans les médias, évacue l’idée répandue que la transsexualité est une question de choix ou de frivolité sexuelle puisque si c’est une maladie, ce n’est de toute évidence pas un choix. De plus, si ce n’est pas une maladie, il est très possible que le gouvernement ou les assurances médicales ne couvrent plus le coût des opérations nécessaires pour un changement de sexe, puisque ce n’est pas une maladie qui se doit d’être traitée. Le mot que j’utilise souvent et que je trouve plus approprié est celui de « condition », mais n’étant pas avocate spécialisée en droit médical, je ne sais pas la portée de ce mot, eu égard à la possible et nécessaire médicalisation de la condition qui permet justement de changer de sexe. La question a donc des implications nombreuses et qui ne sont pas faciles à régler. Oui l’homosexualité n’est pas une maladie et oui elle l’a déjà été. L’homosexualité n’étant pas une maladie, il n’y a donc pas de traitement pour s’en guérir. Ce qui n’est pas le cas de la dysphorie, comme je viens de l’expliquer. Finalement, je me sens bien dans ma peau comme je ne l’ai jamais été, mais j’ai encore en mémoire le passage vraiment douloureux de ma dysphorie qui m’empêchait de dormir, me faisait pleurer constamment, m’induisait des idées suicidaires, m’empêchait de fonctionner adéquatement sur le plan professionnel et me faisait perdre l’appétit. Je suis guérie de ça et appelle ça comme tu le voudras, pour moi une grave dépression est une grave dépression et c’est bien une maladie. Voilà…

MAJ
À propos, si tu te fais opérer par le Dr. Brassard et si le gouvernement paie pour ça c’est que tu as eu 2 lettres diagnostics et 2 spécialistes de la dysphorie de genre différent. J’ai comme un gros doute que sur ces lettres il n’est pas écrit « madame veut changer de sexe par ce que ça lui tente et que sa mère a eu un problème hormonal au fœtus à la 7e semaine de grossesse ». D'ailleurs, il y a beaucoup de spéculation sur les causes et les hypothèses que tu avance sont probablement les meilleures. Mais il y a une différence entre cause et effet, entre cause et résultante de la cause, qui est une maladie. Je serais curieuse de savoir si tu te fais opérer sans diagnostic préalable et si l’étiquette de « malade » (ho quel gros mot) n’y est pas inscrite sous un jargon technico médical. Avant de dire n’importe quoi, prends un grand respire et analyse la question. Qui plus est, il n’y a pas de honte à avoir une maladie mentale qu’on traite physiquement.

mercredi 26 août 2009

Ma dysphorie d’identité de genre, deux ans plus tard

C’est à peu près à cette période-ci de l’année, il y a deux ans, que débutais ma dysphorie d’identité de genre. Que d’eau sous le pont! Ce blogue et ses archives en témoignent. Ma vie de tous les jours en témoigne aussi. J’imaginais que je serais une lépreuse et que je me ferais cracher dessus pour le reste de ma vie. C’est très loin d’être le cas (sauf encore avec plusieurs membres de ma famille, mais enfin…). D’avoir partagé mon vécu ici, dans mon groupe MySpace initial (d’où sont d’ailleurs tirés mes premières archives en langue anglaise), dans le groupe de soutien de l’ATQ, avec mes différents psys et avec mes amis et surtout ma conjointe, m’a grandement aidé à traverser toutes ces épreuves. Je n’ai d’ailleurs pas changé que physiquement. Je suis beaucoup plus ouverte aux différences qu’avant. J’ai encore des tonnes de préjugés, mais je les vois maintenant et je suis plus à même de les combattre et de les faire se taire. Je suis plus conciliante aussi et on me dit plus sociable. Je suis plus ouverte aux autres aussi. J’ADORE maintenant magasiner et me faire pomponner avec des soins tout féminin. Je suis aussi plus coquette et maintenant gênée de l’attention masculine. Je n’aime plus du tout bricoler et je me sens tellement soulagé de ne pas avoir à faire « le gars » et à tenter de me prouver continuellement. Je SUIS, simplement, et j’aime ça. J’ai bien encore des regards de travers, mais je ne les vois presque plus et surtout, je ne les cherche plus. Bien des choses me coulent maintenant sur le dos, comme pour un canard. J’ai cependant quelques adaptations encore à faire. Je n’ai plus de force et suis incapable d’ouvrir un pot de concombre. Je me suis d’ailleurs acheté un PowerGrip de Starfrit. Une fille se débrouille! Je m’habitue aussi à mes nouvelles odeurs corporelles. Ceux qui sont trop sensibles, ne lisez pas ce qui suit. Par exemple, l’odeur de mon urine me fatigue et j’ai bien du mal à m’adapter à celle-ci. J’ai aussi de la difficulté à vivre les contraintes sexistes stéréotypées que bien des gens me projettent, bien malgré eux. Dans le genre de « une femme ne fait pas ça » ou encore « on voit bien l’homme en toi ». Mais bon, ce ne sont que des irritants mineurs qui s’estomperont sans doute avec le temps…

Mon changement de sexe, deux mois plus tard

Je me sens femme comme jamais, mais je réalise aussi que je suis encore en transition. Le chemin n’est pas terminé (le sera-t-il jamais) et mon corps va encore changer sous l’effet des hormones féminines qui n’ont plus à se battre contre la testostérone qui n’est désormais plus en moi. Il me reste encore aussi cette voix masculine et les douloureuses sessions d’épilation faciale (AYOYE) avec lesquelles je dois encore composer. Mais je me sens heureuse. J’ai encore des douleurs (surtout en fin de journée ou lorsque je suis fatiguée) et le Docteur Pierre Brassard (mon chirurgien de changement de sexe) me dit que ça pourrait durer encore quelques mois. Ce sont des espèces d’électrochocs qui partent de la région pubienne et qui viennent me frapper dans la tête ou des douleurs musculaires lancinantes venant des muscles vaginaux. Mes seins qui sont encore en phase de croissance, m’envoient aussi des signaux douloureux, qui se combinent à ceux de la chirurgie d’augmentation mammaire. Dit comme ça, ça a peut-être l’air terrible, mais ce n’est pas le cas. Ces douleurs sont normales et plus le temps va passer, plus elles diminueront pour s’éteindre éventuellement. Mais étant une femme un peu occupée, je ne donne certes pas toute la chance à mon corps pour récupérer et ces signaux douloureux me rappellent de me calmer un peu. Ma libido revient tranquillement et je n’ai pas encore exploré ce nouveau corps, comme le ferait une adolescente. Pour ça aussi je dois encore patienter encore au moins un mois. Mais ça viendra et j’anticipe le plaisir de toutes les découvertes qu’il me reste encore à expérimenter…

Mais mentalement, je me sens vraiment, mais là vraiment bien. C’est la meilleure chose qui me soit arrivée, je me sens enfin moi-même et je jouis de la vie.

lundi 17 août 2009

Le manque de délicatesse de la police et les gais

Une petite anecdote qui illustre magistralement le chemin qu’il reste encore malheureusement à faire pour la communauté GLBTA. Hier, lors du défilé, j’étais assise sur le capot d’une voiture décapotable identifiée « présidente d’honneur ». Au terme du défilé, à un coin de rue de St-Hubert, je me suis fait magistralement apostropher par un sergent de la police de la ville de Montréal. Nous étions toujours dans la zone du défilé et le sergent se mit à me crier « Hey toé, la parade est fini, t’es rendu sur la voie publique, assis toé dans l’char pis met ta ceinture sinon j’vas te coller un ticket moé. Envoye, envoye, on n’a pas juste ça à faire nous autres ». Il me semble, que nous étions encore derrière les barricades, bien avant la rue St-Hubert, que ce policier n’avait certainement pas à crier après moi pour faire passer son message qui était de toute évidence inutile puisque la voiture était à quelque pieds de s’arrêter et que ce qui m’inquiète de cette histoire est que ça ne venait pas d’un policier non gradé, mais bien d’un sergent, qui semblait être le boss de la gang qui était sous ses ordres. Méchant frustré disons….

Présidente d’honneur de la fierté de Montréal, quelle expérience


Crédit photo: Olivier Samson-Arcand, photographe


C’était hier soir que se terminait mon mandat de présidente d’honneur des Célébrations de la fierté de Montréal. Quelle expérience inoubliable! Je dois admettre que j’avais d’abord refusé cet honneur. L’image que j’avais de cet événement est celle qu’aiment bien nous présenter les médias. C'est-à-dire l’image de deux trois fofolles à moitié nue et avec des plumes dans l’cul. Mais après avoir lunché avec le président Éric Pineault et le vice-président Jean-Sébastien Boudreault, je me suis vite rendu compte que ma perception était erronée. Il y a bien certainement de la frivolité dans le défilé, mais ces célébrations sont vraiment beaucoup plus que cela. D’ailleurs, les médias ne parlent que très rarement de la journée communautaire qui permet aux personnes de la communauté GLBTA et aux autres citoyens de s’enquérir des informations auprès de dizaines d’organismes communautaires, permettant de mieux vivre ou de comprendre les différentes facettes de la réalité GLBTA. Il y a aussi de nombreux événements culturels et artistiques gai et non gai, qui viennent pimenter ces célébrations. Ainsi, les Porn Flakes avec Guy A. Lepage et ses nombreux invités ont donné un show extraordinaire vendredi soir. Mais les Célébrations de la fierté c’est aussi le moment qui permet de faire avancer le combat des droits GLBTA et de lancer le message de l’acceptation et du droit d’être différents. Il y a encore trop de gens qui se suicident, qui perdent leur famille ou leur travail à cause de la difficulté de vivre avec une orientation ou une identité sexuelle qui sont différentes du reste de la population. C’est surtout ce message que je voulais transmettre durant mon mandat de présidente d’honneur et c’est avec fierté que je me suis exécutée. En outre, j’ai découvert des gens d’une gentillesse, d’un humour et d’une fierté d’être enfin soi-même, qui me touche encore. Je m’y suis fait de nombreux amis et je remercie en outre, le porte-parole officiel de l’événement, Jasmin Roy, que j’ai appris à connaître plus personnellement et avec qui j’ai eu bin du fun à remplir mon mandat. Si vous lisez ces lignes et qu’on vous sollicite pour être le prochain ou la prochaine président(e) d’honneur des célébrations de la fierté de Montréal, n’hésitez surtout pas à accepter cet honneur…

Mon entrevue audio, à Dominique Poirier de la première Chaine de Radio-Canada

Mon entrevue vidéo, à LCN





Crédit photo: Marie-Eve Baron

mardi 4 août 2009

Un gentil message

Ces dernières semaines, j’ai utilisé mes comptes twitter et Facebook pour tenir au courant mes amis, clients et lecteurs de l’évolution de ma condition et de ma transition. Je sais que certaines personnes que je croyais proches de moi ont été choquées de ça et qu’ils se sont désaffectés de mes comptes. Je sais aussi que plusieurs autres beaucoup plus nombreux sont venus garnir les rangs de mes amis. Mais ce sont souvent ceux que l’on perd qui nous chagrinent le plus. Par exemple un statut qui est apparu dans Facebook après que j’eu parlé du retrait de ma forme vaginal disait quelque chose comme « bientôt nous aurons une coloscopie en direct sur Facebook et twitter ». J’ai peut-être du mauvais goût, mais je m’assume et je ne fais pas de blagues douteuses sur ce que d’autres peuvent vivre. M’enfin…

Voici un courriel que je viens de recevoir de l’une de mes connaissances (son nom est retiré afin de protéger son identité)

Bonjour Michelle
(…)

Tu sais, j'ai mis le doigt sur quelque chose pendant que tu as vécu ta transformation ces dernières semaines et je voulais t'en faire part par courriel. Mais comme on a des vies occupées, on
oublie parfois de dire aux autres les choses importantes (…). Je prends donc l'occasion de te le dire.

Ce qui me touche de toi et de ton histoire, c'est non seulement ton courage et ta détermination (je sais, tu as déjà dit que c'était une question de survie et non un choix) mais le fait que tu le vis de façon ouverte. Tu aurais pu choisir d'éviter de mentionner sur ton blogue et sur Twitter ce qui entoure ton changement, mais tu l'as fait de façon transparente, avec tout ce que ça amène. Dans un sens, ça confronte les gens à leurs propres préjugés et à leur propres limites. Je me suis rendu compte que, malgré mon ouverture d'esprit et l'appui que je te porte dans ta démarche, j'avais moi-même certaines limites à entendre parler de ta transformation vers ce que tu es vraiment: une femme.
Je me suis rendu compte que malgré que l'on vive dans une société relativement ouverte d'esprit, on a collectivement certains tabous et certaines limites, des limites auxquelles tu nous a confrontés, des tabous que tu contribues à faire tomber. Je sais que toi, tu vis simplement ce que tu as à vivre pour être
pleinement épanouie, mais je veux que tu saches qu'on évolue tous un petit peu avec toi aussi.

Bonne journée


MAJ

Tu peux le mettre sur femme 2.0 sans problème, ça me fait plaisir.

On se rends compte que les problèmes de genre, c'est un des derniers grands tabous de la condition humaine dans notre société occidentale: l'homosexualité est de plus en plus acceptée par tous, le racisme s'estompe, on parle de moins en moins de sexisme (même si le féminisme n'a pas encore gagné toutes ses batailles) mais le transsexualisme reste tabou...

Veux-veux pas, ça incite à réfléchir car ce sont toutes des conditions naturelles que les individus n'ont pas choisi.

Bonne journée,
-- Sylvain